Schopenhauer contre l’esclavage et la classification des races

médaillon abolitionniste : « Am I Not a Man and a Brother ? »

« Ce que l’homme peut faire avec un homme, c’est ce que montre l’esclavage des nègres, qui tire toute sa raison du sucre et du café. » (Le monde)

Schopenhauer accuse aussi à ce point le christianisme : « Guerre de religion, massacre au nom de la religion, croisades, Inquisition et autres tribunaux pour hérétiques, génocide des premiers habitants de l‘Amérique et importation d’esclaves venus d’Afrique pour les remplacer - autant de fruits du christianisme ». (Parerga & Paralipomena)

Un livre édité en 1841 par la Société britannique contre l’esclavage, témoignant sur ce qui se passe en Amérique du Nord, renforce sa conviction que « l’implacable cruauté de l’homme ne le cède en rien à celle du tigre et de l’hyène ». (Parerga & Paralipomena) « Ce livre contient un des plus lourds réquisitoires jamais fait contre l’homme. Personne ne pourra le refermer sans effroi, et peu le pourront sans larmes. Car tout ce que son lecteur, touchant l’état malheureux dans lequel vivent les esclaves, ou aussi bien la dureté et la cruauté dont l’homme est capable, avait déjà entendu dire et imaginé ou rêvé lui paraîtra peu de chose quand il aura lu la façon dont ces diables à forme humaine, ces scélérats bigots qui vont à la messe et observent rigoureusement le repos dominical, et parmi eux, des curés anglicans, traitent leurs innocents frères noirs livrés par l’injustice et la violence à leurs griffes. Ce livre qui est fait de témoignages sobres mais authentiques et documentés révolte à ce point tous les sentiments humains qu’on voudrait le brandir et prêcher une croisade pour soumettre et punir ces États esclavagistes de l’Amérique du Nord. » (Parerga & Paralipomena).

Les «Etats esclavagistes de l'Amérique du Nord » - le traitement infligé à « nos frères noirs innocents » - sont pour Schopenhauer « une infamie qui souiile toute l'humaninié.» (Parerga & Paralipomena).

Et concernant la couleur de la peau, Schpenhauer s'est montré très en avance sur son temps en anticipant les découvertes de la science moderne.

« L’homme est noir ou tout au moins brun foncé. C’est donc là, sans distinction de race, la véritable couleur naturelle et particulière de la race humaine, et il n’y a jamais eu de race naturellement blanche. Parler d’une telle race et partager puérilement les hommes en race blanche, jaune et noire, comme le font encore tous les livres, c’est témoigner d’une grande étroitesse d’esprit et d’un manque de réflexion. Déjà dans les Suppléments au Monde comme volonté et comme représentation (chap. xliv), j’ai étudié rapidement le sujet et émis l’opinion que jamais un homme blanc n'est sorti originairement du sein de la nature. Entre les tropiques seulement l’homme est chez lui, et là il est partout noir ou brun foncé ; il n y a d’exceptions qu’en Amérique, parce que cette partie du monde a été peuplée en majeure partie par des nations déjà décolorées, principalement par des Chinois. »

« Ce n’est que lorsque l’homme s'est longtemps perpétué hors de la patrie naturelle à lui seul, située entre les tropiques, et que, par suite de cet accroissement, sa race s'est répandue jusque dans les zones plus froide, que sa peau devient claire et enfin blanche. Ainsi donc, seule l’influence climatérique des zones modérées et froides a donné peu à peu à la race humaine européenne la couleur blanche. Avec quelle lenteur, nous le voyons par les tsiganes, tribu indoue qui, depuis le commencement du XVe siècle, mène en Europe une vie nomade, et dont la couleur tient encore à peu près le milieu entre celle des Indous et la nôtre [...] L’Adam de notre race doit en conséquence être conçu comme noir, et il est risible de voir les peintres représenter ce premier homme blanc, couleur produite par la décoloration. Jéhovah l'ayant créé à sa propre image, les artistes doivent représenter également celui-ci comme noir. »

« les ethnographes continuent à parler tranquillement [...] des races blanche, jaune, rouge et noire, en prenant avant tout la couleur pour base de leurs divisions, tandis qu’en réalité celle-ci n’a rien d'essentiel. »

Le philosophe s'indigne également du sort des ouvriers dans les manufactures: « Entrer à l'âge de cinq ans dans une filature, ou une usine quelconque, et de là, passer d'abord dix, puis douze, et enfin quatorze heures par jours à exécuter le même travail mécanique, c'est payer cher le prix de reprendre son souffle. C'est bien le destin des millions, et d'autres millions encore en connaissent un d'analogue » (Le monde comme volonté et comme représentation)